Le groupe des Nouveaux réalistes est fondé en 1960 par le peintre Yves Klein et le critique d'art Pierre Restany à l'occasion de la première exposition collective d'un groupe d'artistes français et suisses à la galerie Apollinaire de Milan. Contemporain du Pop Art américain, dont il est souvent présenté comme la version française, le Nouveau réalisme incarne, avec Fluxus, l'une des nombreuses tendances de l'avant-garde dans les années 1960. Il est dissous en 1970.
La Déclaration constitutive du Nouveau Réalisme, qui proclamera « Nouveau Réalisme nouvelles approches perceptives du réel », sera signée par Arman, François Dufrêne, Raymond Hains, Martial Raysse, Daniel Spoerri, Jean Tinguely, Jacques Villeglé dans l'atelier d'Yves Klein le 27 octobre 1960.
Ils prennent position pour un retour à la réalité, en opposition avec le lyrisme de la peinture abstraite de cette époque et l'expressionnisme abstrait d'un Jackson Pollock ou d'un Georges Mathieu, en France, mais sans tomber dans le piège de la figuration, connotée (au choix) petite-bourgeoise ou stalinienne, et préconisent l'utilisation d'objets prélevés dans la réalité de leur temps, à l'image des ready-made de Marcel Duchamp. Ces conceptions s'incarnent notamment dans un art de l'assemblage et de l'accumulation d'éléments empruntés à la réalité quotidienne : accumulations d'objets par Arman, affiches de cinéma lacérées par Jacques Villeglé.
Historique[]
Le terme est utilisé dès mai 1960 par le critique d'art français Pierre Restany à propos d'une exposition à Milan regroupant des œuvres d'Arman, François Dufrêne, Raymond Hains, Yves Klein, Jean Tinguely et Jacques Villeglé. Il en avait discuté auparavant avec Klein qui préférait l'expression de réalisme d'aujourd'hui et critiquait l'expression nouveaux.
Le 16 octobre 1960, Pierre publie à Paris et Milan le premier « Manifeste du Nouveau Réalisme », signé le 27 du même mois par les artistes de l'exposition milaise ainsi que par Martial Raysse et Daniel Spoerri. Il sera suivi l'année suivante d'un second manifeste, rédigé entre le 17 mai et le 10 juin 1961, et intitulé « 40° au dessus de Dada ». César, Mimmo Rotella, Niki de Saint-Phalle et Gérard Deschamps rejoignent alors le mouvement, puis Christo en 1963. Yves Klein cependant s'en dissocie dès 1961, récusant l'héritage dadaïste revendiqué par Restany dans le second manifeste.
La première exposition du groupe des Nouveaux réalistes a lieu en novembre 1960 au Festival d'avant-garde de Paris. Elle sera suivie d'une autre en mai 1961 à la galerie J., à New York en 1962 et à la Biennale de San Marino en 1963 qui marque la dernière exposition collective du groupe.
Analyse critique[]
Les artistes reprennent les objets de la société pour en faire des reliques, des symboles puissants de la consommation.
Exemple : Les compressions de César qui mettent en scène des automobiles, le but étant de transformer un objet culte de notre société et d’en faire quelque chose d'autre, à travers ses formes géométriques, l’œuvre sent la conception par l’intermédiaire d’une machine, c’est la disparition de l’habileté manuelle qui était à l’époque un facteur important dans la reconnaissance de la valeur d’un artiste.
On constate également la disparition du matériau noble, les nouveaux réalistes n’utilisent plus de bronze, de pierre, mais de la tôle ou du ciment, des matériaux industriels.
- « L’école niçoise veut nous apprendre la beauté du quotidien. Faire du consommateur un producteur d’art. Une fois qu'un être s'est intégré dans cette vision, il est très riche, pour toujours. Ces artistes veulent s'approprier le monde pour vous le donner. A vous de les accueillir ou de les rejeter. »
L'objet comme matériau[]
L’accumulation d’Arman, est un agglomérat de voitures de marque Renault, chez qui il est directement allé travailler pour trouver sa matière première.
Son œuvre n’a pas d’utilité particulière mais il veut surtout le mouvement et la couleur, on ne retient plus que les effets plastiques.
Le matériel n’est pas détourné, il est utilisé pour travailler un mouvement et devient matériau. Une autre manière de transformer un matériel en matériau selon César, c’est sa mousse de polyuréthane, c’est un matériau presque vivant qui échappe au contrôle de l’artiste, la matière se fixe ses propres limites, et l’œuvre devient indépendante du projet plastique.
Gérard Deschamps, lui, assemble des chiffons, des sous-vêtements feminins (ce qui lui vaudra d'être censuré à de nombreuses reprises) ou expose des bâches de signalisation de l'armée américaine, des plaques de blindage, des tôles irisées par la chaleur, des patchworks, des ballons dans des boîtes en plexiglas ou dans des filets, des skateboards, des « pneumo-structures » faites de bouées ou de matelas pneumatiques..et des voiles de planches...a voiles.
L’objet comme rebut[]
L’œuvre de Daniel Spoerri rend compte de la société de consommation qui mange, il se sert dans les poubelles de ses voisins, de ses congénères. Il s’agit du détournement d’un moment important de la journée, qui est figé et réinvesti dans l’art. La résine est affichée contre le mur comme une toile.
Il a la volonté de fixer le temps d’un moment censé être agréable alors que la société veut de plus en plus nous le marchandiser, et nous presser. Le repas n’est plus le moment convivial qu’il était avant, il devient la nouvelle cible des grosses sociétés de consommation, on se retrouve presque dans une succursale d’une enseigne de la restauration rapide alors que l’on est chez soi. Faire vite, faire simple, peu importe que ce soit vraiment bon. Il faut faire vite, se nourrir, manger, boulimiquement, pour se remplir, Spoerri met ici l’accent sur la nécessité d’un retour aux sources, et d’une société de consommation qui influencerait moins de ses codes, et qui submergerait moins de ses produits, la société actuelle.
Renvoyant à l'univers de la publicité et de la société de consommation, les affiches, décollées, superposées, lacérées, inspirent Jacques Villeglé, Raymond Hains et François Dufrêne ainsi que Mimmo Rotella, qui suit un itinéraire parallèle mais distinct.
Les « Actions-spectacles »[]
Il s'agit de ce que l'on appelera plus tard des "performances" où l'œuvre d'art se construit (ou se détruit) devant le public. L'un des exemples les plus connus sont les anthropométries d'Yves Klein où de jeunes femmes nues, enduites de peinture se roulent sur une toile blanche, créant ainsi la trace visuelle de leurs mouvements.
Nouveau réalisme et Pop art[]
Le Nouveau réalisme a souvent été présenté comme la version française du Pop art américain. En réalité, il serait plus exact d'observer que, de part et d'autre de l'Atlantique, sont apparus à la même époque des travaux qui rompent avec l'abstraction en utilisant des éléments issus de la réalité quotidienne au sein de collages ou d'assemblages, renouant ainsi avec des pratiques issues du mouvement Dada, mais dans des perspectives très différentes. Ces pratiques sont constatées en Europe – France, Italie, Allemagne, Suède – et aux États-Unis – à New York comme sur la côte Ouest – sous des dénominations telles que : néo-dada, art de l'assemblage, junk art, art of the vulgarian, Nouveau réalisme, etc. Elles rassemblent des artistes comme :
- Arman, César, Öyvind Fahlström, Raymond Hains, Mimmo Rotella, Daniel Spoerri, Jean Tinguely, Bertrand Lavier, Gérard Deschamps en Europe .
- John Chamberlain, Bruce Conner, Jim Dine, Robert Indiana, Jasper Johns, Robert Rauschenberg, Robert Watt en Amérique.
Si certains de ces artistes américains – notamment Jasper Johns ou Robert Rauschenberg. Selon Arman, il n'y a pas eu d'influence directe des Français sur les Américains : « Rauschenberg a fait dès 1954 sa première exposition avec des pneus, des demi-cercles, des objets suspendus. Ces combine-paintings sont directement tirés de Schwitters. C'est pour ça que Rauschenberg et Jasper Johns ne sont pas des artistes pop, mais des “nouveaux dadaïstes”, avec une facture très européenne. Les vrais pop, ce sont Warhol, Lichtenstein, Oldenburg, et dans une moindre mesure, Wesselmann et Rosenquist. »
Opposition[]
Le Nouveau réalisme s'oppose notamment au mouvement de la Figuration narrative de Jacques Monory ou Henri Cueco, développé à la même époque en France et ayant lui aussi des rapports avec le Pop Art américain. La Figuration narrative s'attachait davantage à écrire une "histoire" du quotidien, avec parfois un certain engagement politique. On le rapproche également du Pop Art puisque les artistes le composant s'inspiraient beaucoup des images publicitaires se multipliant à cette époque du début de la société de consommation en France.
Autres membres du groupe[]
Bibliographie[]
- Pierre Restany, Manifeste des Nouveaux Réalistes, éd. Dilecta, Paris, 2007.